La conférence de Berlin
Le 26 février 1885, une conférence prend fin. Elle est celle de Berlin, qui est déterminante pour comprendre le découpage actuel du continent africain. Le but premier est d’éviter de se déchirer, entre Européens, lors de la course à la colonisation. Bien entendu, aucun représentant de l’Afrique n’est présent à la conférence. L’objectif est, déjà il y a 140 ans, les ressources que ce continent offre. Ainsi il sera question d’un accord sur les règles de la colonisation, donc du partage du continent africain. Quel est le contexte de ces années ? Quelles sont les conséquences ? Est-ce la première colonisation ?
Les conflits entre les ethnies africaines ne cessent depuis que sa souveraineté lui est ôtée. L’Afrique dépouillée de sa souveraineté et de son indépendance au profit des puissances occidentales, ici européennes. Le continent est assailli, scindé en colonies de dimensions disparates. Sa physionomie passée sous scalpel chirurgical offre un visage remodelé, sans tenir compte des entités politiques préexistantes. La colonisation débute en 1880. Avant plus de 90 % du continent est dirigé par des Africains. Vingt ans plus tard, l’Afrique entière, hormis le Liberia et l’Éthiopie, est sous domination européenne.
Un partage de l’Afrique sans les Africains ?
Bismarck, un couteau à la main, qui a la volonté de découper un gâteau estampillé Afrique est une image d’Épinal. Or, la rencontre diplomatique de quatorze nations, a tout de même contribué à définir les règles communes pour de futures acquisitions territoriales. Au XIXe siècle, la monarchie de Juillet en France intensifie ses efforts coloniaux avec la conquête de l’Algérie en 1830. Cette entreprise marque le début d’une présence européenne plus profonde sur le continent, dépassant les simples comptoirs côtiers pour s’étendre à l’intérieur des terres.

L’objet de la conférence de Berlin est de procéder au règlement pacifique des litiges aux conquêtes coloniales.
La conférence de Berlin n’a pas pour objet le partage de l’Afrique, mais un mécanisme d’appropriation des ressources. « […] si on regarde les textes et la réalité de ce qui s’est passé à l’époque : il n’y a pas eu de partage de l’Afrique lors de la conférence de Berlin », explique l’historienne Camille Lefèbvre (Institut des mondes africains) en 2010 à DW.
Pour autant l’Allemagne et la France forment le duo concernant l’organisation de ladite conférence. D’ailleurs, les discussions se déroulent en français, selon les règles de la diplomatie internationale de l’époque. Le motif est de déterminer les taxes et barrières douanières établies par le Portugal et le Royaume-Uni à l’embouchure du fleuve Congo.
À mots couverts, la conférence de Berlin se voit attribuer de fixer les conditions de la prise de possession de terres nouvelles, la colonisation sans le dire.
(Crédits : Magda Ehlers/Pexels)
« On donne d’abord à une compagnie privée ou à des commerçants un droit spécial qui lui permet de travailler, de faire du commerce avec telle ou telle région. Et c’est seulement au fil du temps, dans les années 1880 ou 1890, que les États européens ont pris de plus en plus en main, avec leurs propres militaires, avec leur propre administration, des colonies privées », relate Jakob Vogel, professeur d’histoire à l’Université de Cologne à DW.
Quelles sont les conséquences ?
Les puissances européennes établissent des règles visant à éviter les conflits entre elles, lors du partage du continent africain. Cette conférence aboutit à une division arbitraire de l’Afrique, sans considération pour les réalités ethniques, culturelles ou géographiques : le colonialisme républicain. Cela pose les bases de nombreuses tensions et conflits qui perdurent encore aujourd’hui.
C’est à travers quelques points que se dessine le futur. La déclaration sur le commerce dans le bassin du Congo, la traite des esclaves, la navigation sur les fleuves Congo et Niger et les conditions pour occuper de nouvelles terres sur le continent africain.
Les dernières décennies du XIXe siècle, l’Afrique est l’objet de négociations. Des décisions diplomatiques engendrent des commissions envoyées sur place. Un bornage bien qu’européens, certains points sont « le reflet de dynamiques historiques anciennes et propres au continent africain ».
Les violences des conquêtes nommées « pacification », existent dans un but simple : faire taire toute contestation. Au début du XXe siècle, le partage est complet, sauf pour l’Éthiopie et le Liberia qui conservent leurs indépendances.
(Crédits : Erich Röthlisberger/Pixabay)

Tandis que la Première Guerre mondiale est sur le point d’éclater, les frontières des pays en Afrique sont créées. La défaite de l’Allemagne l’oblige à céder ses colonies. La France et la Grande-Bretagne se taillent la part du lion. Le Portugal, la Belgique, l’Espagne et l’Allemagne occupent des territoires moins importants, mais vastes. Les années 1960 voient l’émancipation des pays africains. Les frontières coloniales devenues intangibles sont adoptées par l’Organisation de l’unité africaine (OUA), sauf pour la création du Soudan du Sud en 2011.
Première colonisation de l’Afrique ?
Avant la Conférence de Berlin de 1884-1885, l’Afrique avait déjà été le théâtre de plusieurs vagues de colonisation. Dès le XVIIᵉ siècle, sous l’ancien Régime, des puissances européennes comme la France avaient entrepris des conquêtes coloniales, notamment en établissant des comptoirs le long des côtes africaines pour le commerce des épices, de l’or et des esclaves. Ces premières implantations étaient principalement motivées par des intérêts économiques et stratégiques, visant à contrôler les routes commerciales et à exploiter les ressources locales.

Pour autant l’Histoire indique que la migration des peuples à la recherche de terres fertiles pour leurs survies ne date pas d’hier. Les Égyptiens (vers -3000 av. J.-C.) influent sur la Nubie et le Soudan actuel. Les Phéniciens fondent Carthage (vers -1100), la Tunisie actuelle. L’Empire romain détruit Carthage et annexe l’Afrique du Nord.
Une colonisation arabe du VIIe siècle au XVIe siècle, dû à l’expansion de l’Islam. L’Afrique du Nord est conquise, l’ouest est sous influence pour des routes commerciales transsahariennes.
Les Européens arrivent qu’à partir du XVe siècle. Les Portugais établissent des comptoirs en Afrique de l’Ouest (Cap-Vert, Angola, Mozambique), Espagnols, Hollandais et Britanniques suivent pour le commerce des esclaves ou l’or. (Crédits : L’Illustration/BnF)
Les Français et Anglais prennent pied en Algérie et Égypte. L’Afrique du Sud voit les Hollandais s’installer en 1652, puis les Britanniques en 1806 prennent le contrôle. La France s’empare de l’Algérie de 1830 à sa libération avec les accords d’Évian en 1962. Le canal de Suez est sécurisé par l’expansion des colons britanniques en 1882. L’Afrique est le théâtre de conflits, de guerres de territorialité et de prises de pouvoir depuis la nuit des temps. Mais l’Homme ne retient que sa propre histoire, sans forcément en tirer des leçons pour le futur, et à court terme.