Société

La déclaration d’indépendance de la Corse

Au XVIIIe siècle, la Corse est sous domination génoise. Lassé de cette tutelle, le peuple corse, mené par Pascal Paoli, se soulève contre Gênes. Le 15 avril 1755, après plusieurs années de lutte, l’île proclame enfin son indépendance. Paoli met alors en place un gouvernement autonome avec une constitution démocratique, inspirée des Lumières. C’est l’une des premières constitutions modernes d’Europe, garantissant séparation des pouvoirs et suffrage universel masculin. Qu’est-ce qui a mené à cette proclamation et quelles en furent les conséquences ?

Saviez-vous que la Corse a été indépendante au XVIIIe siècle ? Non bien évidemment, à moins que vous soyez historien ou Corse. Le 30 janvier 1735, réunie à Orezza, la Consulta (assemblée) proclame l’indépendance de la Corse. Elle rédige un projet de constitution et se dote d’un hymne national. Sous la conduite de Pascal Paoli, la Corse devient un État à part entière. Cette période, souvent méconnue, est un symbole12 fort de l’identité et de l’Histoire corse : « Souvent conquise, jamais soumise ».

Quand la Corse proclame son indépendance

Dans la Castagniccia, cœur de la révolte corse, la récolte de châtaignes fut excellente en 1729. La pauvreté des résidents est telle, que la vente de l’excédent de la récolte sert à gagner quelques pièces. Monnaie nécessaire pour payer la taille, et ses arriérés. La remarquable moisson plonge le prix de la châtaigne dans les abîmes ; les autres récoltes sont catastrophiques, il n’en faut pas plus pour créer famine et disette. Cet ensemble anéantit les derniers espoirs des habitants, et nourrit le cœur de la révolte. Des violences conduisent à la mort de centaines de personnes. Les Corses réclament une réaction pour enrayer cette vague de violence.

Déclaration, officiel, Corse

La République de Gènes, qui n’est plus en odeur de sainteté sur l’Île, interdit les armes. Mais le port d’armes est soumis à un impôt. Pour pallier le manque à gagner, une nouvelle taxe apparaît : le Due Seini.

Le 27 décembre 1729, le lieutenant de Corte ramasse le nouvel impôt. Dans la piève du Bozio, il demande à un habitant de Bustanico le paiement de la « Due Seini ». Le vieillard est accusé de donner une fausse pièce. Le récoltant menace de saisir de l’ensemble de ses biens. La légende raconte qu’il serait monté sur un tonneau et aurait harangué les villageois. Tout se passe dans le Deçà des Monts, dans le Bozio. L’insurrection contre la domination génoise débute3.

Les nouvelles se répandent comme une traînée de poudre, tandis que la collecte se poursuit. Les frères Carbuccia, Domenico et Antonio arrivent au village de Poggio. L’un pour récolter la taille et ses arriérés, l’autre avec 50 soldats. Le premier se fait chahuter, le second et les militaires seront désarmés, dispersés.

Antonio Domenico enfermé est libéré sous les quolibets des villageois. La rébellion monte crescendo jusqu’en juillet 1731 Gênes appelé à la rescousse. L’empereur allemand Charles VI de Habsbourg envoie 8000 hommes sous le commandement du baron de Wachtendonck. Grâce à ces renforts, la République soumet les notables corses.

La « paix » fragile se rompt dès 1734. La guerre reprend à l’initiative du général Giacinto — ou Hyacinthe — Paoli. Il n’est autre que le père de Pascal, le futur « Père de la Patrie ». Sous l’impulsion du général en chef, Pasquale Paoli, la Corse devient un État à part entière et indépendant de la République de Gênes.

(Crédits : Assemblea di Corsica)

En 1755, il dote l’île d’une constitution qui institue un gouvernement élu par le peuple. Il prévoit également des libertés fondamentales. La Constitution corse reconnaît le droit de vote aux personnes de plus de 25 ans. Deux siècles avant la France, les femmes (veuves ou célibataires) possèdent le droit de vote. Elles peuvent élire, au niveau des Consultes communales, les délégués de la Diète. La Corse reste convoitée, si bien qu’en 1768, Gênes cède l’île à la France via le traité de Versailles. Pascal Paoli résiste face à l’armée française. En 1769, l’armée de Louis XV emporte la bataille de Ponte-Novu. La Corse est depuis intégrée au royaume de France, après une indépendance de près de 14 ans.

Un héritage encore vivant aujourd’hui

Si l’indépendance n’a duré que 14 ans, son impact reste prégnant dans l’identité insulaire. Aujourd’hui encore, l’épisode paolien, père et fils inspire de nombreux mouvements autonomistes et indépendantistes corses. Le souvenir de cette expérience unique continue d’alimenter les débats sur le statut de l’île.

Pascal Paoli, lors de sa fuite vers l’Italie en 1768, 300 fidèles le suivent. Parmi eux, Carlo-Maria de Buonaparte son aide de camp et avocat à Ajaccio, avec Letizia son épouse de 18 ans, enceinte de sept mois… Les larmes et supplications font qu’elle donne naissance, en Corse à son fils… Napoléon.

Si l’histoire de Pascal Paoli ne se clôture pas comme il le souhaitait, il laisse un héritage conséquent. La Corse frappe sa monnaie à Murato en 1763, le Soldo. Son université à Corte est fondée par un édit de Paoli en 1764, elle ouvre une année plus tard.

La Constitution corse, adoptée le 18 novembre 1755 est considérée par certains comme la première de l’histoire moderne. Elle aurait inspiré un Nouveau Monde, les États-Unis pour leur Constitution. (Crédits : La citadelle de Corte par Raymond Fani/Pixabay)

Citadelle, Corte, Corse

L’indépendance de la Corse en 1755 est un épisode fascinant, pour mieux comprendre l’île de Beauté. Si l’expérience d’indépendance est stoppée par la France, via le traité de Versailles de 1768, elle continue cependant d’influencer sur sa politique et l’identité corse.

  1. https://www.francebleu.fr/emissions/storia/rcfm/storia-la-revolution-corse-premiere-partie-1729-1737 ↩︎
  2. https://www.francebleu.fr/emissions/storia/rcfm/storia-revolution-de-corse-deuxieme-partie-1738-1755 ↩︎
  3. https://www.albiana.fr/fr/periode-moderne/85-1729-les-corses-se-rebellent-periode-moderne.html ↩︎

Elise Dardut

Épicurienne, je reste une jeune femme à l’aise dans son corps et dans sa tête. Je pense par moi-même, j’agis par moi-même, j’entends les conseils et n’écoute que mon intuition. « Le jour où l’homme aura la malice, la finesse et la subtilité de la femme, il sera le roi du monde… mais ce n’est pas pour demain », me chantait mon grand-père. Il m’a appris que « les seuls beaux yeux sont ceux qui vous regardent avec tendresse. » (Coco Chanel) Depuis, je m’évertue, pour qui veut bien entendre et écouter, à distiller des graines ici et là, au gré du vent. Un proverbe indien explique que « si vous enseignez à un homme, vous enseignez à une personne. Si vous enseignez à une femme, vous enseignez à toute la famille » Il est temps d’inverser les rôles et admettre l’équité, non ?

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