Il y a cent ans… une vague d’espionnage en France
Le complot qui vient d’être révélé le 4 mai 1922 fait froid dans le dos. Si le public le découvre, les forces de l’ordre l’ont mis au jour, il y a quelques semaines déjà. Il s’agit tout simplement d’une vaste organisation d’espionnage, dont la première indication parvenait au ministère de la Marine. Le commissaire de surveillance avertissait le service de renseignement de la disparition de documents secrets, intéressant nos constructions navales.
Après la construction navale, c’était au tour d’une poudrière du centre de la France de voir ses ouvrages s’évanouir. Les services de renseignements d’époque, sans systèmes d’information, trouvaient une correspondance adressée au secrétaire d’un groupement libertaire, dans laquelle un plan détallait l’état de la marine française, la construction des sous-maris, les stocks de matières premières… le tout était livré à intervalles réguliers aux agents des soviets en France, qui transmettaient à Moscou.
L’Action Française expliquait que des embryons de centres d’espionnage existaient à Brest, Lorient, Toulon, dans les poudrières du centre de l’hexagone. Chose cocasse, ces courriers passaient par la capitale allemande. Les suspects, Henri Coudon, dit Méric et François Bettemps subissaient le 4 mai 1922 leur premier interrogatoire. Le premier des deux voyaient des documents saisis chez lui, sur les chantiers de Saint-Nazaire, des détails précis sur l’expérimentation d’un phare pour suivre les avions, une note sur les moteurs diesels des sous-marins : « Il est très utile d’étudier de près les modes de propulsion de ces bâtiments. Mais nous croyons que la marine rouge aurait intérêt à traiter avec l’Allemagne et certaines maisons suédoises : intérêt technique, en ce qui concerne es moteurs légers, intérêt pécuniaire eu égard au change ».
Le suspect se défendait suggérant aux enquêteurs que tout ceci n’est qu’une simple réflexion de militant internationaliste admet Coudon. « Nous autres communistes, nous considérons la Russie comme notre patrie. C’est ainsi que j’ai été amené à dire que si la marine rouge adoptait tel ou tel procédé, cela pouvait être de son intérêt. »
Mais la surprise venait de François Bettemps. Sous ce pseudo un sujet russe de confession juive en possession de 6 000 francs le jour de son arrestation, répondant au nom de Jacques Oustymtchouk. Comme source de ses revenus, il donna à entendre qu’il est « traducteur et guide-interprète pour les étrangers à Paris. Mes occupations ne me permettent pas de m’occuper de politique… je suis cependant inscrit à la 18e section du parti communiste » Adoptant le même système de défense, le journaliste laisse avancer sa plume en supposant qu’ils finiront par dire au juge « nous n’en faisons pas plus que Cachin : pourquoi n’inculpez-vous pas monsieur le député ? ». Condamné le 3 juin 1922, à une année d’emprisonnement et 500 francs d’amende, pour complot contre la sûreté de l’État, Henri Coudon fut incarcéré à Fresnes où il fit la grève de la faim pour obtenir le régime politique. Les trois autres accusés recevaient respectivement trois ans de prison et 1 000 francs d’amende pour Jacques Oumstymchouck, dit François Bettemps, Wladimir Kroprine six mois et 200 francs d’amende et Marthe Morissonnaud quatre mois et 50 francs d’amende.