C’est mon point de vue !
Exprimer son point de vue est une chose naturelle, et essentielle. Pour autant, cette insignifiante démarche peut engendrer de nombreuses et fâcheuses querelles, envolées lyriques, noms d’oiseaux… Il arrive en certains cas que le français joue des tours aux utilisateurs de la langue de Molière. L’exemple de l’Opéra est criant de vérité. Il est à la fois, une pâtisserie, un art et un lieu. L’écoute active est donc primordiale pour une réelle compréhension, évitant tout quiproquo malencontreux.
Tandis que sonnait midi à la comtoise, les verres s’entrechoquaient joyeusement de ses retrouvailles tant attendues. L’odeur des châtaignes grillant dans l’âtre de la cheminée embaumait la demeure de l’amphitryon. La pluie automnale vaguait nos souvenirs estivaux, il faut dire que dame nature, en ce mois d’octobre, nous amène à ressortir nos pulls et écharpes en laine. Une ambiance chaleureuse régnait grâce aux mets et vins de très bons crus. Le « Baccalà al pomodoro » s’annonçait, c’est à cet instant que l’orage se mit à gronder.
« Génial, mon plat préféré, tomate, pomme de terre, cabillaud et… », s’exclama M Phot.
« Qu’est-ce que tu racontes ? Ce n’est pas du cabillaud, mais de la morue », affirma Mme Kharéson, en l’interrompant.
Il s’en suit une algarade, jusqu’à saisir le dictionnaire pour juge de l’affaire. Chacun restant ferme sur sa vision du patronyme du poisson, tandis que le mets alléchant aux fumets délicats attiédissait, au grand dam des convives. Le couperet tomba, morue et cabillaud sont un même et unique poisson, l’honneur est sauf, et le plat, froid.
Le poisson issu de la famille des gadidés (Gadus morhua) vit en Atlantique Nord, du Canada à la mer de Barents. Le nom morue vient du breton mor (mer) et du vieux français luz (brochet). Cabillaud est une altération du mot bacalao, qui signifie morue en espagnol. Mais alors quelle est la différence entre les deux ? Pour faire simple, le cabillaud se mange frais ou après décongélation, tandis que la morue est salée et séchée.
« Comme la panthère et le léopard », affirme Conception Santos, bru et banquière de métier.
« Quoi ?!? », répondirent collégialement les commensaux.
« Eh bien… La panthère, ou le léopard sont le même animal. Ils sont de la famille Panthera Pardus et possèdent des tâches de rosettes sur le corps. Je vous vois venir, ce n’est ni un saucisson, ni un vin de Bergerac, ni la marque d’officier de la Légion d’honneur », continue Conception.
En effet, une rosette est une marque, ou formation en forme de rose que l’on trouve sur la fourrure et la peau de certains animaux, notamment les chats. Les rosettes sont employées pour se camoufler, se défendre. Les prédateurs utilisent leurs rosettes pour simuler les différents changements d’ombre et de lumière, ce qui les aide à rester cachés de leurs proies.
Changer de point de vue
Ainsi Romain Frayssinet amène un éclairage plus qu’important sur le point de vue et le recul que tout un chacun devrait avoir. « Si admettons, là, je fais une chronique où je dis que pour combattre le coronavirus, il faut que tout le monde se mette un petit oid’ dans le uc‘. Il y a au moins une personne qui va commenter : ” Enfin ! Voilà ! Quelqu’un qui parle des vrais trucs ! ” » Défendre son point de vue peut par conséquent engendrer de la violence. Imposer sa pensée est une sorte de pouvoir, où l’effroi est très efficace en persuasion. La société voudrait que lorsqu’une majorité d’individus songe à une même et seule chose, cette frange de la population détienne la vérité. La première séquence du film « Les Temps modernes » de Charlie Chaplin (1936) est sans équivoque. Il y fait une référence à la légende de Panurge, ami du géant Pantagruel, de François Rabelais.
Ainsi il n’hésite pas à ouvrir son film en associant par un fondu enchaîné, l’image d’un troupeau de moutons avec celle d’une foule sortant du métro. Il compare ces ouvriers se rendant à leur travail à un cheptel destiné à l’abattoir, qui sans aucune réflexion suive le mouvement général. Les personnes à contresens ou amenant une pensée différente peuvent amener de la peur et doute auprès des bien-pensants. Comme Didier van Cauwelaert écrit, dans « L’Évangile de Jimmy », « Le doute, c’est le point de départ de l’intelligence ! ». Le plus célèbre cas est l’affaire dite de Galilée. Ce procès est l’enquête et la condamnation du savant astronome par l’Inquisition pour avoir dénigré le géocentrisme et soutenu l’héliocentrisme. L’Histoire lui donnera raison.
« Un point de vue, si tu te déplaces, ça change ». Il est biaisé par notre conception de vie, du fait d’être heureux, affamé, frileux, courageux… Notre perception, nos croyances, nos expériences, nos savoirs nous influencent. Comment se rendre compte qu’au niveau de la France, la vitesse de rotation de la Terre est d’environ 1100 kilomètres par heure. Aux pôles, elle tombe à seulement 3 tandis qu’à l’équateur, elle atteint 1 600 kilomètres par heure. Alors que nous ne ressentons aucune sensation de rapidité. « T’es foncedé, tu jettes quelqu’un par la fenêtre, bah… t’as jeté quelqu’un par la fenêtre », exprime l’humoriste. La manière dont on voit la réalité ne la change en rien. Comme l’expression « tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler » est un doux euphémisme. Le canal de nos perceptions, de nos compréhensions du monde sont influencés et aseptisés à nos différents ressentis, à moins de laisser libre cours à notre intuition. « Comme si on passait notre vie à voir le monde au travers d’une serrure, et le jour où tu prends ce recul, la question ce n’est plus à quoi ressemble le monde, mais est-ce qu’on peut ouvrir la porte », conclut Romain Frayssinet. « Ne vous limitez pas à voir à travers cet espace restreint, mais ouvrez vos champs de perceptions en prenant du recul, doutez de tout, et observez ainsi le monde d’un œil neuf. »
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