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Une proposition de loi assimile l’avortement légal à un homicide au Brésil

Le Brésil s’embrase. La Chambre des députés a approuvé mercredi 12 juin l’étude en urgence du projet de loi n° 1904/2024. Elle vise à qualifier l’avortement légal après 22 semaines de grossesse, d’homicide. Ce qui met le feu aux poudres est, entre autres la peine maximale encourue. Les incarcérations encourues sont supérieures à celles prévues par le Code pénal brésilien pour les violeurs — de 6 à 10 ans : jusqu’au double. Après les États-Unis, le Brésil veut-il supprimer le droit, fragile, des femmes à disposer de leurs corps ?

L’IVG est illégale au Brésil depuis 84 ans. Sauf pour trois cas bien définis : en cas de viol, de danger pour la vie de la mère, ou d’anomalie cérébrale du fœtus (anencéphalie fœtale). Cette loi pourrait admettre l’impensable. Prenons un exemple sordide. Une femme est victime de viol, elle pratique un avortement après la 22e semaine de gestation. Elle pourra alors être condamnée à une peine plus lourde que son violeur. Car la proposition de loi dispose en cas de qualification d’homicide, une peine pouvant aller de six à vingt ans d’emprisonnement, soit le double des peines maximales prononcées pour viol.

Voyage en Absurdie

Elle pourra alors être condamnée à une peine plus lourde que son violeur. Car la proposition de loi dispose en cas de qualification d’homicide, une peine pouvant aller de six à vingt ans d’emprisonnement, soit le double des peines maximales prononcées pour viol. Comme à chaque instant, semble-t-il, dès qu’une question touche à l’intimité d’une femme, une loi est enfantée par un homme. Cette proposition de loi est l’œuvre d’un député de droite de Rio de Janeiro.

Le député Sostenes Cavalcante (PL-RJ) est soutenu par une trentaine de ses confrères. Ils sont en majorité issus du Parti libéral de l’ancien président Jair Bolsonaro. Celui qui invoquait le « guide du zizi sexuel » pour discréditer le ministère de l’Éducation, Fernando Haddad, à des fins présidentielles. L’ex-président affirmait dans une interview d’août 2018 qu’il était un « kit gay » distribué dans les écoles au Brésil.

« Le STF (tribunal suprême fédéral) est actuellement saisi d’un recours pour non-respect d’un précepte fondamental — ADPF n° 442 — déposé par un parti politique (PSOL) qui demande d’interpréter les articles 124 à 126 du Code pénal de manière à dépénaliser les avortements pratiqués jusqu’à la douzième semaine de grossesse. »

(Crédits : Domingos Peixoto/Agência O Globo)

Aujourd’hui, la majorité des pays de l’hémisphère nord autorisent l’avortement. Il n’impose pas de restrictions majeures jusqu’à la 10e ou 12e semaine de grossesse. Par le seul fait du libre choix de la femme enceinte. Ce n’est plus le cas aux États-Unis où au Texas l’avortement est illégal même en cas de viol ou d’inceste, seule exception la mise en danger de la femme, jeune femme ou enfant enceinte.

État du Droit à l’avortement aujourd’hui au Brésil

Le Code pénal brésilien ne punit pas l’avortement en cas de viol, et ne fixe pas de délai pour cette intervention. D’ailleurs, le recours à l’avortement pour sauver la future mère ne la condamne pas non plus. Le recours à l’avortement est couché noir sur blanc dans le Code pénal, aux articles 124, 125, 126, 127 et 128 depuis le 7 décembre 1940 et appliqué depuis 1942.

Aujourd’hui, le code prévoit d’un à trois ans de prison, la femme qui a recours à l’IVG. La peine est d’un à quatre ans pour qui provoque l’avortement, même les médecins. Sans le consentement de la personne enceinte, la peine d’emprisonnement passe de trois à dix années.

L’avortement pratiqué après 22 semaines de grossesse sera puni d’une peine d’emprisonnement allant de six à vingt ans dans tous les cas. Notamment dans le cas d’une grossesse résultant d’un viol… La double peine.

Les femmes manifestent avec un seul et même slogan : « Criança não é mãe ». Comme sur la photo : « Être une fille n’est pas être une mère » (Crédits : Domingos Peixoto/Agência O Globo)

La législation pénale sur l’avortement au Brésil reste inchangée depuis plus de 80 ans. Pourtant l’évolution des mœurs, des pays et de ceux qui les habitent ne cesse de croître sur les cinq continents. La controverse tourne autour des traitements juridiques disparates dans le monde. Ainsi, sur le continent africain, en Amérique latine (sauf Cuba et l’Uruguay) est observée une plus grande discipline juridique en la matière. Bien que de nombreux pays semblent régresser envers ce droit.

Qualifié de “projet de loi sur la grossesse infantile”

La préoccupation des femmes est légitime. D’autant que les violences sexuelles sont courantes au Brésil. Un rapport d’une ONG révèle qu’en 2022, une moyenne de huit viols par heure est enregistrée. Pire encore, 61,4 % des viols sont perpétrés contre des enfants de moins de 14 ans. L’ignominie ne s’arrête pas. Dans plus d’un viol sur dix, les victimes étaient âgées de moins de quatre ans. La proposition de loi effraye chacune et chacun. Silvio Almeida, Ministre des droits de l’homme et de la citoyenneté, et Cida Gonçalves, Ministre des femmes, se sont prononcés contre le projet de loi. Cida Gonçalves, a même déclaré qu’il s’agissait d’une matérialisation juridique de la haine qu’une partie de la société éprouve à l’égard des femmes.

Ce projet de loi est appelé par les militants du droit à l’avortement légal le « projet de loi sur la grossesse infantile ». L’avocate Letícia Ueda Vella du mouvement féministe « Sexualité et santé » explique qu’il n’est pas toujours facile d’identifier « la violence sexuelle et d’imaginer qu’une enfant va être enceinte de sorte que les symptômes, voire la croissance du ventre, ne sont pas toujours évalués par la famille et le manque de connaissances de la jeune fille sur son propre corps […] ».

« La stigmatisation […] a un impact direct sur l’accès à un service de santé publique. Nous savons qu’aujourd’hui, la plupart des femmes qui sont poursuivies pour avoir avorté sont dénoncées par des professionnels de la santé qui rompent le secret médical. » (Crédits : Edilson Dantas/O Globo)

« La procédure est souvent pratiquée dans des cas de viol dans lesquels la victime — souvent des enfants — découvre qu’il y a eu une fécondation longtemps après une violence sexuelle », martèle Brasil de Fato. L’avocate enfonce le clou. « Nous savons que les effets d’une grossesse dans l’enfance, d’une maternité dans l’enfance sont extrêmement néfastes, nous parlons vraiment de la perte de ces enfances, car il y a un impact énorme sur la santé mentale, il y a un impact énorme sur le taux d’abandon scolaire, il y a une véritable interruption des rêves et de la vie de ces jeunes filles et de ces femmes. »

Elise Dardut

Épicurienne, je reste une jeune femme à l’aise dans son corps et dans sa tête. Je pense par moi-même, j’agis par moi-même, j’entends les conseils et n’écoute que mon intuition. « Le jour où l’homme aura la malice, la finesse et la subtilité de la femme, il sera le roi du monde… mais ce n’est pas pour demain », me chantait mon grand-père. Il m’a appris que « les seuls beaux yeux sont ceux qui vous regardent avec tendresse. » (Coco Chanel) Depuis, je m’évertue, pour qui veut bien entendre et écouter, à distiller des graines ici et là, au gré du vent. Un proverbe indien explique que « si vous enseignez à un homme, vous enseignez à une personne. Si vous enseignez à une femme, vous enseignez à toute la famille » Il est temps d’inverser les rôles et admettre l’équité, non ?

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