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Quand les touristes débarquent en masse (épis. 10)

Un matin sans impératif est synonyme de grasse matinée. Les jeunes ont commencé à tondre les moutons à 6 h ce matin et sont venus prendre le petit déjeuner à 8 h, « je mange donc avec eux ». Il n’est toujours pas habitué à dévorer des œufs, du poulet, des saucisses ou encore du steak le matin. Mais un pudding sucré lui rappelle la France au milieu de ce petit-déjeuner so british. En milieu de matinée j’irai dans le bâtiment où ils tondent les moutons.

Durant une bonne heure, Flavien observe et essaye de tout comprendre. Le fils d’Ann, qui s’occupe de la ferme, prends le temps de m’expliquer de nombreuses spécificités de la laine des Malouines. « Je suis mal à l’aise, je suis le seul à ne rien faire au milieu de cette effervescence… » Je propose mon aide… ils ne veulent pas que je me salisse. Dommage, car l’odeur qui règne, a déjà imprégné mes vêtements.

Envol pour la capitale, Stanley

« Je suis content d’avoir vu ça, ça aurait été dommage de venir aux Malouines sans voir cet incontournable. » Peu avant midi, un nouveau banquet, digne de Pirlouit dans les aventures de « Johan et Pirlouit », est servi. L’avion qui est initialement prévu sur les coups de 13 h n’arrivera finalement qu’à 15 h 30. Flavien flâne autour du Settlement. Il échange en début d’après-midi avec Ann et sa fille qui prendra également l’avion. Ann ne veut pas que je paye pour la chambre et les repas. « Je ne peux pas repartir sans rien lui donner alors je mettrai 20 £ et un petit mot de remerciement dans ma chambre pour qu’elle le trouve à la suite de mon départ. »

Avant de partir, elle demande à notre aventurier de se pencher sur le livre d’or de la ferme. C’est une coutume depuis quarante-cinq années. Tous ceux qui viennent ici depuis 1978, laissent de leur plume, quelques lignes.

La belle-fille d’Ann vient nous chercher en JEEP pour rallier la piste d’atterrissage à quelques kilomètres. Le soleil est présent.

Ainsi, le docteur qui a examiné le mari d’Ann en début d’après-midi sera le troisième compagnon de vol, direction Stanley. Après près d’une heure de vol, « nous arrivons à la capitale, sous la pluie… » La première partie du vol, ensoleillée, nous aura laissés admirer les magnifiques paysages, dont l’étonnant ridge de l’est de West Falklands.

À l’aéroport « je demande le remboursement du vol qui n’a pas eu lieu entre Hill Cove et Port Stephens. » La fille d’Ann qui avait garé sa voiture à l’aéroport, m’amène à la maison de Kay. (Crédits : Flavien Saboureau)

« Il pleut et je me voyais pas marcher deux nouvelles heures sous la pluie en direction de Stanley. » Arrivé, Kay lui propose de dormir dans sa cabane de jardin, chose qu’il accepte avec plaisir. Pas besoin de monter la mente sous la pluie se réjouit-il. « Je suis habitué à dormir dans des taudis ! » Avant de s’installer, il faut déplacer la tondeuse. Les us et coutumes britanniques refont surface. « Je prends mon quatrième thé du jour avec Kay, je commence à m’y faire ». Ann connaît Kay, et m’a chargé de lui donner 8 œufs, c’est chose faite.

Quand 1 500 touristes débarquent

Il est 18 h, Flavien se rend dans Stanley pour trouver un hot-spot WIFI. « Cela fait quelques jours maintenant que je suis complètement déconnecté ». Il reste un moment sur le fronton du port à donner des nouvelles et à lire l’ensemble de ses courriels.

« Phlebolobium maclovianum est la seule endémique que je n’ai pas encore rencontré ». Flavien envoie plusieurs messages à des naturalistes locaux pour savoir s’il peut la trouver non loin de la capitale. De retour, il cuisine les derniers aliments. « Je ne sais pas ce que je fais demain, se questionne-t-il. Une journée sans impératifs c’est pas mal aussi. »

Sans impératif, lever tardif

Le réveil sonne à 8 h. « Direction Penguin Travel pour réserver le transfert jusqu’à l’aéroport de samedi après-midi. » Puis, il va voir Grant, aux bureaux de Falklands Conservation. Un de leurs employés, qui s’y connaît en botanique, avait échangé par courriel avec Flavien avant son arrivée.

« Je lui demande des infos sur le cresson des Falklands, la seule espèce qu’il me reste à vraiment voir. » Quelques heures plus tard, il envoie la localisation. Entre-temps, un bateau de croisière vient d’arriver et la ville, habituellement paisible devient bondée.

Aucune voiture disponible

Ce n’est pas vraiment agréable quand on connaît la ville sous sa véritable facette. « Je passe le reste de la matinée à chercher un moyen de faire les 30 km qui me séparent de cette fameuse espèce. Mais tous les loueurs de voiture et organisateurs de voyages sont monopolisés par les 1 500 touristes qui foulent le sol. » Flavien devra patienter. Un retour sur ses pas, il mange tôt et prend la direction de Cap Pembroke, sa première visite réalisée, il y a bientôt trois semaines. (Crédits Flavien Saboureau)

« J’espère y trouver une fougère (Botrychium dussenii) et une minuscule espèce dont la famille est inconnue de la flore européenne (Arachnitis uniflora). » Ce matin Grant m’a donné des indications sur leur localisation, mais ça lui semble être trop tôt encore. Arrivé sur site après deux heures de marche, une personne adopte un comportement de botaniste. Il regarde le sol avec dans sa main un appareil photo.

« C’est vous le Français qui cherchez le cresson ? »

Flavien se dirige vers lui et commence à lui parler des plantes, du moins celles qu’il recherche. C’est alors qu’il lui dit « c’est vous le français qui cherchez le cresson des Falklands ? » La surprise est totale, car improbable. Vous êtes à l’autre bout du monde seul, votre quête trouver des trésors, des plantes endémiques, voire rares, et un inconnu vous adresse la parole en vous ciblant… Avouez qu’il y a de quoi être troublé.

Il se prénomme Mike. C’est Grant qui l’a contacté, parmi d’autres naturalistes ce matin. Lorsque Flavien recherchait des informations et des données sur Phlebolobium maclovianum. Les deux hommes partent à la recherche des deux espèces préalablement visées.

La nature suit son rythme

C’est au bout d’une heure de recherche que le constat tombe. « Nous ne trouverons que la fougère, c’est trop tôt pour l’autre. » Mike lui demande s’il a déjà observé « the Yellow orchid ». La réponse ne se fait pas attendre. « Seulement en feuilles. ». Mike explique en avoir vu en fleurs il y a quelques jours, et propose d’amener l’aventurier les voir. « Je ne peux pas refuser. »

Ils grimpent dans en voiture, direction le Nord, à tout juste 20 minutes de route. C’est l’effervescence, nous en trouverons neuf dans un coin paumé explique Flavien. Ils rebroussent chemin, après avoir noté son e-mail, il le repose dans la ville. Ne cachant pas son plaisir, il pense à voix haute : « j’aurai même esquivé quelques heures de marche. Toujours aussi dingue ces rencontres impromptues. »

Le Français des Falklands

Le temps gagné sert à faire des courses. Puis, il décide de manger assez tôt, car « j’aimerais profiter du beau temps de ce soir pour aller sur le front de mer au coucher de soleil. » Assis sur un banc au crépuscule, un véhicule s’arrête juste derrière lui. (Crédits : Flavien Saboureau)


C’est le fameux médecin avec qui il a effectué le vol retour hier. L’ayant identifié à sa veste, il est venu saluer « le Français ». Qu’est-ce qu’ils sont sympas, une petite communauté de 3 000 habitants où tout le monde se connaît, où tout le monde semble être bienveillant. Le spectacle est apaisant. « Refait par ce moment seul face à la mer d’huile. Je vais me coucher, espérant que les conditions climatiques soient meilleures demain. » Il prends le bateau pour Kidney Island demain soir à 18 h 30. ». À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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