dimanche, mars 17, 2024
Société

Crise de l’Orange

Alors qu’en France, les débats se focalisent sur le prix d’une baguette de pain à 29 cents d’Euros dans un supermarché, ou encore le tarif au kilo de la viande de Porc, de l’autre côté des Pyrénées ce n’est pas plus réjouissant. Actuellement, un agriculteur valencien demande 1,17 euro pour 13 kilos de Naveline, soit le prix d’un café sur place. Dans les grandes surfaces françaises, le kilogramme se vend aux alentours des soixante-dix cents. Ce qui pousse les producteurs ibériques à ne plus récolter les fruits de leurs labeurs.

C’est un fruit de saison, qui ravissait les enfants à la période de Noël. Elle était le trésor accompagnant le chocolat chaud, mets délicats, rares et onéreux, il y a un plus d’un demi-siècle. Dorénavant, les consommateurs ne se soucient guère de leur provenance, du moment qu’elle ne soit pas chère. Des milliers de personnes ont partagé la vidéo de Sara Soler, une enseignante qui possède également une petite parcelle d’oranges biologiques. Pas moins de 26 860 vues (au 26 janvier 2022) de la vidéo désormais virale, dans laquelle elle explique que le client, qui avait promis en septembre d’acheter toute sa récolte, a déclaré qu’il n’était plus intéressé.

Nous préférons les donner que les jeter

Sara Soler, Benifaió, Valence, espagne

Confrontées à l’impossibilité de payer la récolte d’une orange qu’elles ne vendront pas, Sara Soler et sa mère décidèrent de la donner à tout individu qui viendrait les cueillir elles-mêmes sur l’arbre. « La réponse a été impressionnante, nous avons du mal à gérer l’avalanche de personnes qui nous ont demandé de venir ou qui veulent que nous leur envoyions des boîtes. Nous avons dû organiser des quarts de travail pendant le week-end pour éviter les foules en raison du problème de Covid. Tout le monde a proposé de collaborer d’une manière ou d’une autre », explique-t-elle à Público. Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé.

Le grenier européen

Dans certains cas extrêmes, le producteur se voit offrir « un centime par kilo, alors qu’il est vendu à un euro et demi dans les supermarchés », relate Público. Les professionnels en liquidation reçoivent les miettes restantes, environ 10 cents par kilo. En France, les prix sont disparates en fonction des superficies et surfaces de ventes, lieux et quantités. Dans ces conditions Carrefour, le prix est de 0.70 euros au kilo, 0.75 € chez Intermarché, 1.25 chez Leclerc et 1 euros le kilo en promotion chez Casino (selon les prospectus et promotions). L’Espagne est depuis une centaine d’années le fournisseur majeur de l’Europe sur de très nombreux produits de consommation, au même degré que la Communauté valencienne est la plus grande source européenne d’oranges. Ce qui a généré d’immenses fortunes, comme une marque prestigieuse au niveau international, La Valencia. Ainsi surfant sur le nom, l’Afrique du Sud appelle son territoire de culture de l’orange Valencia. Cela ressemble à s’y méprendre à l’histoire du Champagne.

Dans le domaine de la pêche en Europe, le classement des États membres capturant le plus de poissons (milliers de tonnes du poids vif, par zone principale de pêche, données 2019) donne en première position le Danemark (904, 5), puis l’Espagne (837, 2) et la France troisième avec 525, 1 milliers de tonnes. (Crédits : Eurostat)

Au cours de l’été 2021, le pouvoir russe décidait de retirer au Champagne son appellation en cyrillique, au profit de producteurs locaux. Le sursis obtenu par le gouvernement français prenait fin à minuit lors de la nuit de la Saint-Sylvestre. Depuis le 1er janvier 2022, le Champagne a perdu ses lettres de noblesse en Russie, dans le pays de Vladimir Poutine. La situation préoccupante du secteur dans la Communauté de Valence est si délicate que l’abandon des champs de culture se poursuit année après année.

Le travail essentiel à la société n’est pas rémunéré à une juste valeur. Les prix ne cessent de croître, les aliments, le carburant, l’électricité, le gaz… Est-ce les signes avant-coureurs d’une crise économique ? Est-ce la fin des grandes surfaces commerciales telle que nous les connaissons, au profit d’un monde à taille plus humaine ? Seul l’avenir le dira… (Crédits : DR)

En 2021, 2 000 hectares supplémentaires ont été perdus, ce qui porte le total des terres abandonnées à 165 000 hectares dans toute la région. « Nous sommes la seule communauté dans laquelle la surface cultivée diminue », a averti Cristóbal Aguado, président de l’Association des agriculteurs de Valence. La circulation et le commerce international affichent-ils ses limites ? Les oranges sud-africaines « beaucoup moins chères et pratiquement dépourvues de contrôles phytosanitaires », inondent les marchés européens en tirant les prix vers le bas, dénonce Público. Outre l’Afrique du Sud, les oranges bon marché venues du Maroc, d’Égypte ou de Turquie s’ajoutent à la concurrence. Le prix à payer pour le consommateur est la seule variable qui ne change guère.

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

2 réflexions sur “Crise de l’Orange

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *