Il y a cent ans… « an eye for an eye » criait la justice londonienne
La loi du talion s’appliquait dans la cité du grand brouillard, il y a un siècle, « œil pour œil, dent pour dent ». La capitale britannique frissonnait encore ce 10 juin 1922, après la pendaison d’un adolescent, de tout juste 18 ans. Deux jeunes hommes, Henry Julius Jacoby, enfant du peuple, Ronald True, fils de la noblesse, étaient jugés pour le crime d’assassinat, leurs sorts différents, car « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir… » écrivait Jean de La Fontaine.
L’opinion publique habituellement rangée derrière les décisions de justice, mais pas cette fois. Le recours en grâce signé par l’ensemble du jury, accompagnant la condamnation à mort, ni les pétitions innombrables parvenues au ministère de l’intérieur, connu outre-Manche sous Home Secretary, n’émouvaient Edward Shortt. « L’assassin adolescent de Lady White à payé sa dette à l’humanité ». Il est rare que le Royaume-Uni soit si soudé derrière une cause, une affaire, une personne. Chaque citoyen, après avoir su que le jeune avait été pendu, s’accordait à maudire cette justice implacable, qui veut que selon la loi du talion ceux qui ont tué doivent être tués.

Henry Julius Jacoby avait assassiné Lady Alice White, 65 ans, le 14 mars 1922. Il déclarait à la police qu’ « il avait l’intention de voler dans les chambres d’hôtel où il travaillait et qu’il avait emporté un marteau pour l’utiliser si nécessaire. Il avait trouvé la porte de la chambre de Lady White déverrouillée et était entré. Elle s’était réveillée et il l’avait battue pour l’empêcher de donner l’alerte. » En avril 1922, à l’Old Bailey, il a été reconnu coupable, avec une recommandation de clémence, et condamné à mort, par le juge McCardie. Il est exécuté à la prison de Pentonville par John Ellis, le 7 juin 1922.

Le flegme anglais si reconnu explosait en l’air lorsque l’affaire de Ronald True s’affichait en lettre d’imprimerie, dans les tabloïds. La grâce refusée à Jacoby le fut sous un biais tout autre, pour l’assassin de la jeune femme, Gertrude Yates connue comme prostituée et call-girl sous Olive Young. L’homme avait été reconnu par les médecins atteint d’aliénation mentale, mais condamné, par McCardie, à mort par pendaison. Condamnation annulée à la suite d’un examen psychiatrique ordonné par Edward Shortt : True était légalement fou. Jacoby lui avait la mentalité d’un enfant de douze ans, selon les mêmes praticiens.

Le 6 mars 1922, vers 7 h 30, True préparait une tasse de thé pour Gertrude Yates et lui. Alors qu’elle relevait la tête de son oreiller pour boire, Ronald True lui assénait cinq coups de rouleau à pâtisserie sur la tête avant de lui enfoncer une serviette dans la bouche, puis serrait le cordon d’une robe de chambre autour de son cou, la tuant par asphyxie. L’homme prit le temps de déguster sa propre tasse, de manger quelques biscuits puis traîna la défunte complètement nue jusqu’à la salle de bains. L’assassin volait le somme de 8 £, et différents bijoux dont la valeur fut estimée à environ 200 £ (environ 13 350 € en 2021).

Ce n’est qu’à 9 h 35, en se préparant à quitter l’appartement, qu’il croisait Emily Steel, la femme de ménage. « Ne réveillez pas Mlle Young, nous sommes restés tard hier soir. Elle dort profondément. J’enverrai la voiture la chercher à douze heures », dira-t-il après avoir découvert le corps, elle préviendra la police. Ronald True finira sa vie à l’hôpital où il fut interné. Quant à Henry Julius Jacoby, du haut de ses dix-huit ans John Ellis se souvenait que « Jacoby ne semblait pas du tout préoccupé par son sort et qu’il jouait à un cricket improvisé avec l’un des gardiens dans la cour d’exercice », l’après-midi précédant son exécution. Après être menotté, Jacoby remerciait le gouverneur et les gardiens de prison pour leur gentillesse, puis calmement se dirigeait vers la salle d’exécution.