Le fabricant de chariot de supermarché Caddie, n’est plus
Un bout de l’histoire quotidienne de chaque terrien est parti. Que vous soyez grand, comme petit, âgé ou pas encore capable de lire ces lignes, l’entreprise « Caddie » n’est plus. La bagarre entre frères et sœurs pour grimper dedans, les paquets de bonbons cachés tout en dessous des courses, des courses de chariot et d’autres bêtises. L’entreprise naît quatre ans après les Jeux olympiques de Paris en 1924. Le tribunal de commerce de Saverne prononce sa liquidation le 16 juillet 2024.
« C’est un peu triste de finir comme ça ». C’est le sentiment de gâchis, qui occupe l’esprit des 108 salariés qui restaient en poste. Trois redressements en dix ans, le quatrième est fatal à la société. Cette dame âgée de 96 printemps est au crépuscule de sa vie pleine et entière.
La genèse de « Caddie »
Comme son principal concurrent, Wanzl, l’histoire de Caddie commence dans les années 1920. C’est un certain Raymond Joseph qui se trouve être la cheville ouvrière de ce fleuron français qui tend à disparaître du paysage. « De la mangeoire pour les oiseaux aux égouttoirs pour la vaisselle en passant par les porte-savons, Raymond Joseph fonde une société qui ne cesse de s’agrandir. C’est ce qui l’a poussé à racheter les usines autour de la sienne, d’où le nom des Ateliers Réunis », explique Stéphane Dedieu, l’ancien PDG.
En 1922, Raymond Joseph débute son histoire industrielle. En qualité d’entrepreneur, il fabrique des chaînes de bicyclettes. La concurrence est féroce, les affaires difficiles, si bien qu’il abandonne… momentanément.
Son oncle et sa tante, le docteur Braunberger et son épouse l’incitent dans la persévérance. Contre toute attente, il adopte une décision à contre-courant des années folles.
Il se prend à vouloir confectionner des produits avec une matière jugée sans valeur, fruste. Tout juste bon à concevoir les clôtures, le fil d’acier fera pourtant sa renommée.
Au fil du temps, Raymond Joseph rachète les usines qui entourent la sienne. La saga débute à la création de l’entreprise : Les Ateliers Réunis.
L’ancien ajusteur s’installe à Bischheim, puis Schiltigheim, rue Saint-Charles. En 1928, cinq personnes œuvrent à la fabrication d’articles dédiés au confort dit ménager, puis 33 en 1938.
(Crédits : Caddie/Facebook)
La Seconde Guerre mondiale éclate, son entreprise est réquisitionné, ce qui stoppe l’homme, pas ses idées. Il ne tient pas encore ce qui va révolutionner la vie quotidienne de nombreuses ménagères : le chariot de libre-service alimentaire ou « caddie ».
Le voyage aux États-Unis
Les courses se déroulent auprès des épiceries de quartier. Du maraîcher au fromager, sans oublier le boulanger. Chaque individu porte dans un panier, souvent en osier, les condiments. Raymond Joseph entreprend un périple outre-Atlantique. Ce périple va changer sa vie et celles de centaines de millions de personnes à travers le monde.
Les années 50 connaissent des révolutions. L’instauration du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) qui devient vingt ans plus tard le SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance) et le voyage américain.
Son oreille a eu vent de l’essor des magasins en libre-service aux États-Unis. Il rencontre lors de ce voyage, les grands noms de la future grande distribution.
Raymond Joseph observe le peuple américain et ses habitudes. Premièrement, le positionnement des supermarchés en périphérie des villes, comme actuellement en France. Deuxièmement, chaque enseigne de grande distribution est entourée de parkings.
Troisièmement, les usagers nécessitent l’emploi de chariot pour se déplacer dans les magasins. Mais surtout pour emmener jusqu’à leurs voitures, les produits achetés.
Un autre voyage lors d’un séjour à Vittel l’inspire. Le nom des chariots empruntés par les golfeurs résonne. C’est logiquement que Caddie se fonde en 1957. Le nom et ses orthographes sont déposés la même année. L’aventure mondiale de l’entreprise alsacienne débute. (Crédits : Caddie/Facebook)
Les trente glorieuses participent à son essor. Dans les années 70-80, les supermarchés se développent. L’entreprise se diversifie et grandit. Du premier site de production s’ajoute à Drusenheim, une deuxième usine d’une surface de 30 000 m2. Entièrement automatisée, elle est spécialisée dans la fabrication de chariots de supermarché, le fameux chariot de libre-service alimentaire surnommé affectueusement « caddie » par tout un chacun.
Une diversité insoupçonnée
La marque déposée Caddie ne fournit pas que des chariots de supermarchés. Elle propose des équipements pour le commerce, du matériel d’aéroport et des articles ménagers. Elle a su se diversifier avec le temps, mais les aléas de la vie font disparaître un manufacturier de produits de fabrication française, un de plus. Le mot « caddie » est entré par antonomase dans le langage courant (Ex. : Frigo pour réfrigérateur), bien que la marque intervient régulièrement pour s’y opposer.
Si le chariot se retrouve sur les terrains de sports, c’est qu’il est pratique. Caddie officie aussi dans le milieu hospitalier (plateau technique, équipement de laboratoire, mobilier de soin…).
Dans des domaines insoupçonnés également. Le panier de bicyclette est un exemple. La grille d’exposition pour afficher les départs des vacances, puis arrivés à l’aéroport vous prenez un chariot ? Caddie propose encore des chariots avec ou sans frein. Vous êtes perdu ? Suivez les indications !
Vous êtes bloqué pour emprunter un couloir interdit dans un supermarché ? Il est fort possible que l’objet de sécurité soit de Caddie, avec ses sorties de caisse bidirectionnelle.
Pour qu’un produit se retrouve en tête de gondole, il faut le transporter. Rien de mieux qu’un chariot d’approvisionnement, de préparation et de mise en rayon, toujours de marque Caddie. C’est une fois que nous perdons quelque chose que nous prenons connaissance de son importance. (Crédits : Caddie/Facebook)
Dans l’inconscient collectif, il existe des mots qui intègrent notre quotidien. Ainsi le chariot de libre-service alimentaire est devenu avec le temps le fameux « caddie ». Il se décline en une gamme complète. Vous aurez forcément une pensée particulière lorsque vous irez faire vos courses. Comme l’évolution des enseignes de supermarchés. L’exemple de Rallye à Poitiers (86), qui se métamorphose en Géant Casino. Puis il sera parmi l’un des 61 premiers magasins à passer sous pavillon Les Mousquetaires/Intermarché. Le nom change, les souvenirs restent, comme à jamais notre fameux « caddie ».