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Fanny au GPS, Flavien à la boussole (épis. 19)

Pas de grasse matinée en ce premier janvier de l’année 2024. Il est six heures passées de trente minutes lorsque le réveil sonne. La journée est censée être longue. Le départ est prévu dans une heure et demie. Sauf que l’averse se met à tomber. « Ça change du ciel bleu d’hier », souffle Flavien qui déjeune seul, dans l’abscisse de sa tente. Ilian et Fanny ont déjà plié la leur, mais mangent sous la pluie. Après une tourbière nous attaquons la montée plein nord dans une forêt. Comme la veille Fanny est au GPS et Flavien à la boussole.

Après avoir traversé de nombreux barrages de castors, ils arrivent sur une zone dénudée à plus de 500 m d’altitude, les jambes sont lourdes. « Nous mangeons à l’abri du vent, mais le temps semble vouloir passer au sec, nous enlevons le pantalon de pluie, mais je garde quand même mes guêtres. » Au loin, au Sud, se dessinent désormais très bien les fameuses îles du Cap Horn, les dernières avant l’Antarctique…

En direction de Caleta Eugenia

« Nous reprenons la route et passons le début d’après-midi sur des fellfields et nous avançons donc très vite. » La vue sur le Beagle est à couper le souffle. Le trio doit désormais descendre dans la forêt. « Ce qui nous a été donné comme la partie difficile de ce parcours. » Deux outils sont alors essentiels : le GPS et la boussole. Le triptyque se dirige vers Caleta Eugenia. Comme dans tout chemin marqué par des obstacles ou problèmes, le temps de la traversée devient relatif.

« Nous n’avançons qu’à 1 ou 2 km/h ». Mais une excellente surprise les attend. « Nous trouvons un sentier qui était en fait le tracé d’un projet de route qui n’a jamais été concrétisé. »

À 18 h ils arrivent à la ferme de Caleta Eugenia. La revue des animaux d’élevage est en marche. « Nous rencontrons de nombreux animaux, des porcs, des vaches… mais continuons notre chemin sur une vraie piste ». Il s’agit de celle qui permet aux voitures de rallier la ferme depuis Puerto Williams.

À cet endroit, ils espèrent croiser une rivière qui se jette dans le Beagle. Elle est notée à leur droite, sur leurs cartes. « Malheureusement celle-ci n’est qu’un filet d’eau dont l’amont est piétiné par les bovins… » (Crédits : Flavien Saboureau)


Ilian, Fanny et Flavien s’apprêtent à faire demi-tour. Le besoin d’eau se fait sentir. Direction la ferme, à 1 ou 2 km quand un 4×4 apparaît, comme par magie sur la piste. Flavien ferme le poing, tend le pouce, le véhicule se stoppe. Illan et Fanny demandent au chauffeur où on peut trouver de l’eau dans le coin. Il cherche en vain dans ses souvenirs. Il nous propose de nous emmener au camping après être revenu de la ferme. Quinze minutes plus tard « nous chargeons nos sacs et montons. »

La première journée de l’année sous le blues

Un bonheur simple. « Il y a tout de même 23 km de piste et mettrons près d’une demi-heure en longeant le Beagle pour rallier la seule ville de l’île », souffle Flavien. Il est accompagné de son fils de 3 ou 4 ans. « Nous ne comprenons pas ce qu’il dit. Il surmonte sa timidité en nous offrant des chocolats qu’il grignotait », s’amuse l’aventurier. Ils opèrent le remake de « Retour vers le futur ». Comme bande-son du voyage, des tubes bien connus des années 80. Le convecteur temporel paraît en panne.

« Le trajet semble être suspendu » marque Flavien. Le parfait cliché du stop à l’autre bout du monde.

Arrivés au camping, deux choses importantes : prendre une douche monter la tente, encore bien humide du matin. Le jour de repos commence par la levée du corps à… 9 h 15. « De toute façon de 8 h à 9 h, il a plu », remarque Flavien. « C’est toujours aussi agréable d’être au sec sous ces trombes d’eau. »

Une grosse partie de la matinée est consacrée à nettoyer les vêtements. « Je procrastine depuis plusieurs jours ». À midi, Cécilia la gérante du camping apporte une énorme gamelle de poulet au maïs et pommes de terre pour ceux qui veulent. « Un très bon repas cuisiné maison et gratuit. Pas mal ce camping qui ressemble plus à une chambre d’hôte. » (Crédits : Flavien Saboureau)


Les vêtements sèchent au-dessus du poêle. « Je me rends près du café pour pouvoir capter la WiFi. » Depuis un certain temps, il n’a pas eu de contact avec le monde extérieur. « Premier coup de blues du voyage quand je vois tous ceux qui ont fait les fêtes ensemble… » J’entre dans le café où il n’y a que des Français déjà croisés. « Je prends un cappuccino et un gâteau extrêmement bon dont je suis incapable de me rappeler le nom ». Un couple revenant du trek des « Dientes de Navarino » nous donne leurs impressions.

Le trek de los Dientes de Navarino

Après cette pause gourmande « Fanny, Illan et moi nous nous rendons chez les carabineros ». La procédure est de les informer de notre retour. « Je reste plus longtemps, car je m’enregistre pour le trek de demain. » Un enregistrement avec quelques informations. « Notre numéro d’assurance, notre date prévue de retour ou encore la couleur de nos vêtements… au cas où il faille lancer des recherches si je ne suis pas revenu à la date prévue. »

Vue imprenable sur le canal du Beagle
Le Beagle et Ushuaïa au loin. C’est le point de départ du fameux trek de los Dientes de Navarino. (Crédits : Flavien Saboureau)

Puis une petite visite de la ville. « Je fais quelques courses après avoir acheté quelques cartes postales à la seule poste de l’île. » Il retourne au café de 18 à 21 h pour remplir les cartes postales. « La vue sur le Beagle, sous le soleil, est inspirante ». La journée se finit sur la préparation du sac. L’ambiance est un mélange de profondes conversations avec les deux Français et Isabelle. Elle revient depuis de nombreuses années, elle connaît l’île comme sa poche. « Demain c’est ce fameux jour que j’imagine depuis des mois, celui des Dientes de Navarino, pour qui 90 % des touristes font le déplacement. » À suivre…

Romuald Pena

Journaliste et curieux de nature, j’aime les mots et ce qu’ils chantent aux oreilles qui les entendent. « La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité », assurait Pablo Neruda. Ainsi j’apporte des faits, des faits, encore et toujours des faits, car : « Nous ne pouvons être condamnés à pire, à juger les autres, à être des juges. » (Le Testament d’Orphée, de Jean Cocteau)

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